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    1938 : la sauteuse en hauteur était un sauteur

    14 oct. 2018 21:30

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    Le 13 septembre 1938 l’Allemande Dora Ratjen avait amélioré son propre record du monde du saut en hauteur, en y ajoutant 1,5 cm (une précision au demi-centimètre qui n’est plus de mise aujourd’hui), l’établissant à 1,675 m. Ce qui fait d’elle la favorite des championnats d’Europe qui doivent se dérouler le week-end suivant à Vienne.

    A Vienne, l’Allemande fait honneur à son rang. Elle remporte le titre en franchissant une barre à 1,70 m, nouveau record du monde.

    A la suite d’un examen médical, elle est reconnue comme étant de sexe masculin.

    Imposteur sans scrupule ou instrumentalisé par le régime nazi ? L’histoire de Ratjeb est trouble. Il semble qu’il soit né intersexe, doté d’un micropénis, sans testicules. Il est élevé par ses parents comme une fille, même si les photos de l’époque interrogent sur son sexe réel. L’ambiguïté sur son histoire demeurera jusqu’à sa mort, en 2008, à 89 ans : le Reich a-t-il profité de ses performances sportives en fermant volontairement les yeux pour en faire une athlète susceptible de battre Gretel Bergman, Allemande mais juive, qui dominait le saut en hauteur dans les années 30 (une histoire qui inspirera le film Berlin 36, sorti en 2009) ? C’est la thèse que, (re)devenu Heinrich, il accréditera après la guerre. Il expliqua qu’il avait vécu trois ans comme une femme, camouflant ses parties génitales pour ne pas être démasqué. Les athlètes de l’époque témoignèrent d’ailleurs plus tard de l’extrême timidité de cette jeune fille, qui ne se montrait jamais nue sous la douche.

    Ratjen accusa l’Association des jeunes filles allemandes (la section féminine des jeunesses hitlériennes) de l’avoir forcé à cette imposture pour la gloire du Reich. Toujours est-il qu’il put méditer le reste de sa vie la formule qui veut que la roche Tarpéienne soit près du Capitole. C’est en effet dans le train qui le ramenait de Vienne où on avait pu le voir effectuer le salut nazi sur la plus haute marche du podium du saut en hauteur féminin que Ratjeb fut trahi par sa pilosité. Repéré par un contrôleur, arrêté par la police, il reconnaît être un homme. Le 21 septembre 1938, trois jours après qu’elle a battu le record du monde, la carrière et la vie de Dora Ratjeb s’interrompent. (Re)commencent celles d’Heinrich.

    Des cas comme celui de Dora Ratjen, l’histoire du sport n’en manquent pas. Et aujourd’hui, les tests de féminité sont monnaie courante. En pleine guerre froide, quand la rivalité entre l’Est et l’Ouest se transportait sur les pistes, le physique de certaines athlètes interrogeait, que ce fut celle de la Tchécoslovaque Kratochvilova ou de la Bulgare Donkova. Plus récemment, c’est le cas de l’athlète sud-africaine hermaphrodite spécialiste du 800 mètres Caster Semenya qui fait polémique, la Fédération internationale d’athlétisme ayant adopté un règlement dont le seul but semble de l’interdire de courir.

    Les performances de Dora Ratjen comment se situent-elles dans l’histoire de l’athlétisme féminin ? Aux JO de 1936, elle s’était contentée de la quatrième place, incapable de franchir une barre à 1,60 m. Avant «elle», le record du monde se situait à 1,65 et datait de 1932. Il tiendra jusqu’en 1939 et il faut attendre le 30 mai 1943 pour qu’une femme franchisse la marque symbolique de 1,70 m. Bien plus tard, une Allemande de l’Est, Rosemarie Ackermann, fut la première femme à effacer une barre à deux mètres, le 26 août 1977. Aujourd’hui, le record du monde est situé à 2,09 m. Il est la propriété de la Bulgare Stefka Kostadinova depuis le 30 août 1987. Il fait partie de ces vieux records de l’athlétisme féminin, établis à l’âge d’or du dopage. La Croate Blanka Vlasic s’en est approchée d’un centrimètre en 2009. Depuis, aucune femme n’a sauté plus haut que 2,07 m.

    Source: liberation.fr/Gilles Dhers

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