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    Les petits arrangements d’Apple avec la censure à Hongkong

    10 oct. 2019 23:00

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    Depuis deux semaines, à trois reprises, Apple a répondu positivement aux demandes de censure chinoises, liées aux manifestations monstres qui secouent la région semi-autonome de Hongkong depuis quelques mois.

    Le premier épisode remonte à la fin du mois de septembre : le drapeau de Taïwan, dont la Chine conteste la souveraineté depuis soixante-dix ans, disparaît des listes d’émoticônes auxquelles on accède avec le clavier des iPhone et iPad hongkongais. Celui-ci y figurait jusqu’alors, entre plusieurs centaines d’autres drapeaux nationaux, comme le signale le site d’information indépendant Hong Kong Free Press et un journaliste chinois du média américain Techcrunch.

    Il demeure possible d’afficher ce drapeau, mais par une manœuvre à laquelle beaucoup d’utilisateurs ne pensent pas spontanément (en tapant « Taïwan » au clavier, le dessin du drapeau apparaît). Nul doute que cette astuce a circulée parmi les manifestants depuis la fin de septembre. Apple ne s’est pas exprimé sur cette troublante disparition.

    Un média américain censuré

    L’épisode suivant remonte au 9 octobre : Apple fait disparaître l’application Quartz, un site d’information américain en langue anglaise, de son magasin d’apps, selon un communiqué de l’éditeur de l’application. Quartz précise que la Chine a également bloqué l’accès à son site Internet. Un responsable de Quartz a déclaré au média américain The Verge avoir reçu le message suivant de la part d’Apple : « Contient du contenu illégal en Chine ».

    Quartz présume que la demande de la Chine fait suite à la publication d’articles consacrés aux outils de contournement de la censure. Quartz a en effet publié plusieurs articles sur les VPN (virtual private networks), des outils permettant de consulter les sites tels qu’ils s’affichent dans d’autres pays.

    Apple a refusé de commenter la suppression de l’application Quartz quand un journaliste du New York Times en a fait la demande.

    Carte des barrages de police

    Le troisième et dernier épisode remonte au 10 octobre. Apple bannit alors une application de cartographie populaire en Chine, affichant notamment des informations remontées par ses utilisateurs, nommée HKmap.live. Elle servait notamment aux manifestants à marquer la position des forces de police et signaler les rues bloquées. Apple s’est expliqué dans un communiqué :

    « Nous avons appris qu’à Hongkong, HKmap.live a été utilisée d’une façon qui met les forces de police et les riverains en danger. (…) L’application montre l’emplacement des forces de police et nous avons vérifié auprès du Bureau de cybersécurité et de crime technologique de Hongkong (CSTCB) que l’application avait servi à tendre des embuscades à la police et menacer la sécurité publique. Des criminels l’ont notamment utilisée pour s’en prendre à des riverains dans des zones où ils savaient que la police n’était pas présente. »

    Le communiqué d’Apple affirme que cette application « viole les lois locales », sans préciser lesquelles, ainsi que son propre règlement. Le développeur de l’application argue sur Twitter qu’il n’y a « aucune preuve pour étayer les accusations du CSTCB. HKmap n’encourage, ne sollicite ou ne promeut jamais des activités criminelles. HKmap ne fait qu’agglomérer des informations en provenance de sources publiques et d’utilisateurs privés de Facebook ou Telegram ». A noter, HKmap demeure disponible dans le magasin d’applications d’Android.

    La disparition de l’application fait suite, souligne le New York Times, à un éditorial de l’organe officiel du Parti communiste chinois, le Quotidien du peuple, paru la veille. Cet article dénonçait l’attitude d’Apple face à la crise hongkongaise en ces termes : « Laisser un logiciel poison se répandre est une trahison des sentiments du peuple chinois. »

    Le poids des intérêts économiques

    Ça n’est pas la première fois qu’Apple répond positivement aux demandes de censure chinoises. En 2016, Apple avait supprimé l’application du prestigieux journal américain New York Times de son magasin d’applications. En 2017, c’était au tour de plusieurs VPN qui permettaient de contourner la censure chinoise de disparaître. A la suite de quoi le PDG d’Apple, Tim Cook, s’était justifié dans les colonnes du média américain TechCrunch :

    « Nous aurions préféré ne pas supprimer ces applications, mais, comme nous le faisons dans les autres pays, nous respectons la loi des pays où nous travaillons (…) Nous pensons qu’il faut dialoguer avec les gouvernements, même quand nous ne sommes pas d’accord avec eux. Dans ce cas précis, nous espérons qu’avec le temps, les restrictions seront assouplies, car l’innovation se fonde vraiment sur la liberté de collaborer et de communiquer. »

    Le gouvernement chinois possède d’importants moyens de pression sur le groupe américain : Apple vend ses produits en masse dans le pays. Selon un analyste de la banque Goldman Sachs, le groupe américain y moissonnerait près de 30 % de ses bénéfices. L’essentiel de ses produits est en outre assemblé sur des chaînes de production locales.

    Le gouvernement chinois est lui-même soumis à une intense pression ces derniers mois : il peine à contenir la vague de protestation historique qui touche la région semi-autonome de Hongkong, qui fut une colonie anglaise jusqu’à 1997.

    Selon une enquête du média américain CNBC, les manifestants recourent abondamment aux réseaux sociaux pour communiquer et s’organiser, et principalement aux applications étrangères, comme Twitter, Periscope, WhatsApp ou Telegram, car la censure touche leurs équivalents chinois WeChat, Weibo et TikTok.

    Comme le souligne le New York Times, depuis le début du mouvement de protestation, les manifestants ont développé plusieurs moyens astucieux de déjouer la surveillance technologique chinoise, qui recourt notamment à la reconnaissance faciale. Il s’agirait du premier grand mouvement de rébellion contre la société de surveillance biométrique que la Chine impose à ses citoyens depuis quelques années.

    (Source lemonde.fr)

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